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Auriez-vous la patience de nous dire ce qu’est votre spectacle ?

 

Oui. Chair de poules est un spectacle avec juste moi, divisée en trois. Ces trois femmes sont toutes seules avec leurs sentiments. Elles les expriment comme elles peuvent.
En chantant, en se taisant, en écrivant, en regardant des légumes. Il s’agit d’une rencontre harmonieuse de sons, de textes et de personnages. Un mariage amoureux, en quelque sorte. Et tout ceci, je vous le donne en mille, se déroule dans une cuisine, pour tout
un tas de raisons que je vous expliquerai à un autre moment.

 

Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous en dire plus sur ces trois femmes ?

 

Avec joie. L’une, c’est Aude Léger qui fera pleurer dans les chaumières. Obsessionnelle compulsive, dans le silence de sa cuisine, elle écrit à un homme qui, en une nuit,
a renversé son cœur. La deuxième Aude Léger fera rougir sa maman quand elle viendra
voir le spectacle. Nymphomane de compétition, elle tente d’oublier l’amour
de sa vie en collectionnant les amants, qu’elle reçoit également dans sa cuisine.
La troisième femme, c’est Aude Léger qui vient à peine de quitter son appareil dentaire
et sa bouteille de Biactol. Une adolescente qui, à l’heure du goûter, nous raconte
sa première grande histoire d’amour. Émouvant et cru comme un bon jambon.

 

Pourquoi parler d’amour dans une cuisine ?

J’aime l’amour et la cuisine. Parler d’amour dans une cuisine, voyez-vous, s’est donc
imposé naturellement. J’aime la cuisine pour son côté à la fois intime et quotidien.
L’idée – une des idées, car ce spectacle foisonne - est de partir d’une situation
qui ressemble fort à un bon vieux cliché (une femme dans une cuisine) et de
s’en détourner. Enfin, grâce aux objets qu’elle contient, à ses sons et à ses odeurs,
la cuisine me permet de développer trois esthétiques et gestuelles différentes,
mais je ne vous en dis pas plus afin de ne pas déflorer le travail de la chorégraphe
que j’exploite honteusement.

 

Et la scénographie ?

Une grande table en bois bien ancrée dans le sol, contraste avec les autres éléments
d’un décor aérien. Des accessoires sont suspendus ça et là, à portée de main,
comme pour mieux changer de chair. Une toile de peintre blanche, suspendue
elle aussi, sert de support de projection aux mails écrits par l’un des personnages.

 

 

Une. Ecriture. Fragmentée ?

 

J’aime beaucoup le livre de Barthes, Fragments du discours amoureux. Il affirme
qu’on ne peut parler de l’amour qu’en fragments, qu’on ne voit le corps qu’en morceaux,
par exemple le « J’aime tes fesses » de Godard.

“Tu vois mes pieds dans la glace ? Tu les trouves jolis ? Et mes seins, tu les aimes ?
Qu’est-ce que tu préfères, mes seins ou la pointe de mes seins ? Et mes épaules,
tu les aimes ? Moi je trouve qu’elles sont pas assez rondes. Et les lasagnes ?
Et mon visage ? Tout ? Ma bouche ? Mes yeux ? Mon nez ? Mes oreilles ?
Donc, tu m’aimes totalement ?”

 

Chair de poules, dans le détail et dans la construction globale, est fragmenté.
Chaque apparition de chacun des personnages est une pièce de puzzle. On passe
de l’un à l’autre successivement et plus on avance, plus le puzzle se construit pour
former un portrait de plus en plus précis. Le texte est lui aussi morcelé, dans l’écriture même et dans les ruptures provoquées par les chansons. J’aime aussi les litanies,
les répétitions. J’aime aussi les litanies, les répétitions. On répète, on se répète
quand on est amoureux, on dit toujours les mêmes choses, avec la même intensité,
la même sincérité du moment : chaque fois qu’on parle d’amour, c’est avec « jamais »
et « toujours », chante Barbara. C’est principalement cela qui m’intéresse dans l’amour
et que je souhaite explorer dans ce spectacle. J’aime aussi les litanies, les répétitions.

 

 

Qu’en est-il des chansons ? Du travail musical et sonore ?

Mon manager m’ayant déconseillé le répertoire pourtant très frais du troisième Reich,
les quatre chansons choisies sont des reprises de chansons d’amour, retravaillées
pour s’intégrer de différentes façons dans le récit : soit comme élément de rupture,
soit comme prolongement d’un fragment de texte à la manière d’un cadavre exquis,
ou comme simple chanson d’amour, sous forme d’extraits ou d’intermèdes. Sur l’une
des chansons, un travail de composition a été réalisé à partir de sons d’ustensiles
de cuisine et d’aliments comme instruments de musique. Tout est bio, naturellement,
pour obtenir une belle rondeur auditive.

Cette interview a été réalisée l’autre jour par Maël Piriou. 

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